Regarde!

Aujourd’hui, c’est jour de tempête.

Je reçois les embruns d’une Manche déchaînée. Je marche, contrainte de mettre mon poids vers l’avant pour avancer. Dans la ruelle qui mène au front de mer, le vent s’engouffre. Il hurle. Je m’approche du ponton et découvre le spectacle. Les vagues surgissent à quelques mètres de moi, se jetant sur les galets, comme des flammes d’eau goulues. J’entends ce son si singulier, de la Mer qui se retire, faisant crépiter les cailloux entre eux. Je me laisse surprendre par la hauteur des rouleaux. Ils n’ont rien à envier à l’Océan. Montée d’adrénaline. C’est puissant. Les turquoises et les gris viennent atteindre mon iris en plein cœur, et alors, jaillit en moi le bonheur de  pouvoir contempler cette folie.

Soudain, mon regard fixe un point. Là, entre deux vagues, je l’aperçois. Mais qu’est-ce qu’il fait? Il plonge?! Il va être écrasé par les vagues! Ah non…
Le voilà qui ressort… Il recommence. Quelle élégance. Il danse avec l’air. Il faut être sacrément fou pour être aussi vivant! Pourtant le majestueux goëland ne me paraît pas du tout insousciant. Pour jouer avec les courants aériens, flotter, plâner, se laisser porter ainsi, il ne peut l’être. Une seconde d’inattention et il serait attrapé par les eaux glaciales. J’ai devant moi les prouesses d’un virtuose. Je ferme les yeux, je me connecte à ce qui se déploie autour de nous. Je sens le danger, et aussi le plaisir, pur, l’extase qui se dégage de sa péripétie.

Le Goëland sent, se laisse traverser par tout. Il est attentif, habité par les éléments. Il est l’eau, et il est l’air en même temps. Il joue de ses aîles au rythme scandé par la houle. Il vibre à l’unisson avec ce qui l’entoure. Il est totalement investi dans ce moment. Et grâce à lui, moi aussi…